Un accident est si vite arrivé avec une corne coincée dans une clôture, un seau, un filet à foin et même un râtelier! Les béliers sont par nature des cascadeurs. Il sont curieux, explorateurs. Les risques potentiels passent parfois inaperçus jusqu’au jour du drame… Cette corne coincée dans un râtelier aurait pu être fatale.
Comportement alimentaire
Il s’agit de l’un de nos pensionnaires! Très agile et très curieux, il figure parmi les béliers dominants du troupeau. Quand les râteliers sont pleins de foin frais, quelques béliers aiment à manger depuis le dessus du tas. En effet, certains de ces messieurs sautent sur le râtelier et mangent ainsi perchés. Hormis le risque potentiel de souillure de l’aliment par le biais des déjections, je n’en voyais pas l’effet pervers jusqu’à cet incident.
D’ailleurs le râtelier principal est couvert afin d’éviter les salissures. Et il me semblait que ce type de comportement cascadeur ne se produisait plus. En effet, cet hiver doux avait permis aux moutons de manger principalement dehors, dans les prés, en recherchant toujours le maximum de nourriture fraîche. L’herbe était seulement complétée par le foin. Le stress ou l’excitation lors de la prise de nourriture aux râteliers étaient donc minimes.
Influence de la météo
Mais l’hiver en Suisse, à presque 1’000 mètres d’altitude, ne peut pas être un long fleuve tranquille de novembre à mars. Et même si un redoux global semble « sévir » ces derniers hivers, quelques journées bien froides et enneigées se produisent de temps à autre.
Effectivement, nous avons eu ces jours passés des températures avoisinant les -20°C. Elles furent suivies d’un redoux accompagné de chutes de neige suffisantes pour empêcher les moutons de pâturer. Un manteau neigeux de 30 à 40 centimètres sur un sol bien gelé ne permet plus aux moutons de se déplacer aisément. Impossible également pour eux de dégager la neige avec les membres antérieurs pour ensuite accéder à quelques brins d’herbe enfouis.
Le troupeau de 87 membres s’est ainsi retrouvé enfermé dans la bergerie, porte ouverte sur une grande étendue blanche. L’approvisionnement en foin a pris une importance plus grande. L’excitation et le stress alimentaires ont pris le pas sur le flegme de ces dernières semaines quand l’herbe était toujours disponible.
Sans oublier l’effet bélier…
Quelques joutes sont également venues renforcer les tensions liées à l’enfermement et la concurrence alimentaire. En effet, deux petits nouveaux nous ont rejoints sur le tard en raison de la vague de froid qui s’est abattue sur notre région (et ailleurs aussi bien sûr). Les deux nouveaux: un bélier d’âge mûr et sa brebis. Bien sûr, ils ont reçu de la part du troupeau toute l’attention qui leur était due et nos nouveaux pensionnaires ont du faire leur place. Pour le bélier et ses comparses cela a signifié beaucoup de chahut.
Les tensions ont donc été à leur comble pendant une à deux journées. Le surlendemain de l’arrivée de nos nouveaux pensionnaires, notre malheureux bélier se retrouvait pris: une corne coincée dans un râtelier. Ce petit incident aurait pu lui coûter la vie.
Panique en entrant
Au premier coup d’oeil, après avoir poussé la porte de la grange, le bélier bloqué dans le râtelier semblait inanimé, voire mort. Et ce n’est bien sûr qu’après avoir dûment vérifié qu’il était encore en vie que j’ai pris, bien rapidement, ces quelques clichés. Il ne fallait pas traîner, l’inconfort était sans doute à son comble. La corne droite prise entre les barreaux du râtelier, le nez enfoncé dans le foin, l’abdomen reposant sur la barre supérieure et les membres postérieurs dans le vide, ce pauvre mouton devait grandement souffrir. Il incombait de le libérer au plus vite.
Ce fut chose faite dans les cinq minutes qui ont suivi. D’abord reposer les postérieurs sur le foin pour faire cesser cette pression sur l’abdomen. Ceci, en prenant grand soin de ne pas faire subir de torsion aberrante à la colonne vertébrale. Rien que des mouvements qu’un corps de mouton pourrait exercer au naturel. Une fois notre mouton mieux soutenu, il a fallu grandement triturer la corne retenue pour la sortir de son logement. Et aussi compter sur la nature légèrement élastique d’un matériau à priori pourtant bien dur qu’est une corne de bélier. Sous lui, le foin est mouillé par la salivation du mouton resté là sans doute quelques heures…
Retour parmi les vivants
De retour parmi le troupeau, notre bélier est un peu groggy… Il titube et avance avec un équilibre incertain vers la porte ouverte de la bergerie afin de rejoindre ses congénères. Alors que l’on pourrait encore douter de sa survie, il est déjà quelques secondes plus tard le nez au sol à faire ce qu’un mouton fait le mieux: brouter.
Je suis toujours saisie par cette incroyable capacité des animaux à récupérer. Leur force vitale est incroyablement développée.